L’Arménie, un pays et son message (1/3)
Par Daniele Zappalà.1
La conjoncture dramatique que connait le Proche-Orient voit à nouveau le Liban dans l’œil du cyclone. À la lumière de la catastrophe humanitaire en cours, nombreux sont les médias, les observateurs, les associations, les rassemblements de solidarité qui rappellent une vieille formule restée célèbre : « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message ». Il s’agit d’une phrase de Jean Paul II, tirée d’une lettre apostolique de 1989.
Que veut nous dire l’écho durable d’une telle formule ? Pourquoi l’opinion publique internationale, dans certains cas, acquiert la ferme conviction qu’un message propre est associé à une nation déterminée ?
Notons que ces interrogations survolent la frontière entre communication et géographie. Dans les deux sens. D’une part, une vieille tradition intellectuelle s’efforce d’interpréter le message qui serait lié aux nations ou à certains États. On peut penser, par exemple, à une réflexion comme Découverte de l’Archipel, d’Élie Faure, un essai de 1932 réédité par le Seuil dans les années 1990. Bref, des idées fortes, peut-être universelles, tirées de l’expérience originale d’une nation.
D’autre part, une tradition au long cours en géographie nous a appris que certaines idées et certains imaginaires collectifs puissants peuvent orienter l’aménagement du territoire, au fil du temps. Bref, des idées susceptibles de façonner la Terre telle qu’elle est habitée par les hommes. On peut penser, par exemple, aux travaux du britannique Denis Cosgrove sur les représentations et les paysages.
Néanmoins, force est de constater que cette dimension communicationnelle et idéelle est trop souvent sous-estimée, démonétisée ou même balayée dans le discours géopolitique courant, tout occupé qu’il est à évaluer les rapports de force entre les acteurs dotés d’une puissance de frappe militaire, en commençant bien sûr par les États.
Pourtant, si certaines régions du monde demeurent si difficiles à déchiffrer et à comprendre, c’est aussi que, trop souvent, on fait l’impasse justement sur ce que les peuples et les nations en question ont d’intéressant, de fort et de durable à nous communiquer : des messages pouvant parfois rejoindre les grands enjeux de notre époque.
À ce propos, un voyage en terre d’Arménie, comme celui que j’ai pu réaliser récemment[1], est très riche d’enseignements. En effet, se déplacer entre la capitale Erevan et les plus célèbres sites patrimoniaux du pays veut dire aussi prendre la mesure de la profondeur du « message arménien ».
Si l’on repart invariablement de ce petit pays caucasien avec l’envie d’y revenir, c’est que, justement, ce message s’avère rapidement d’une valeur dépassant largement les frontières arméniennes. D’une valeur dépassant même le cadre des régions faisant le lien entre l’Europe et l’Asie, ainsi qu’entre ce que nous avons coutume d’appeler l’Occident et l’Orient.
Afin d’approcher du cœur du message arménien, les clés d’entrée possibles sont multiples. Pour résumer celles qui ont le plus marqué notre voyage, à travers des villes, des sites patrimoniaux et économiques, des régions rurales, on peut évoquer au moins quatre interrogations faisant particulièrement sens en Arménie : À quoi peut bien servir l’héritage culturel d’un pays ? À quoi peut bien servir la diaspora d’un pays ? À quoi peuvent bien servir les symboles partagés d’un pays ? À quoi peut bien servir la volonté de paix d’un pays ?
[1] Je tiens à remercier, pour l’aide et l’accueil, le Tourism Committee arménien et l’Agence onusienne UN Tourism.
- Daniele Zappalà est géographe (Sorbonne Université) et journaliste. Ses recherches portent sur la cognition de la mondialisation et sur les patrimoines internationaux. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
hermes (15 octobre 2024). L’Arménie, un pays et son message (1/3). Revue Hermès - Cognition - Communication - Politique. Consulté le 12 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12hg7