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Élections législatives britanniques : une victoire travailliste superficielle au coeur de la tempête

Par Catherine Marshall.1

L’écrasante victoire des travaillistes de Sir Keir Starmer dans la nuit de jeudi 4 à vendredi 5 juillet – remportant 411 des 650 sièges à la chambre des Communes – vient cacher bien des difficultés. Certes, avec une telle majorité, les travaillistes vont avoir les mains libres pour faire passer certaines réformes visant à améliorer la situation préoccupante du Royaume-Uni, en particulier concernant l’état des services publics, mais cette victoire n’est pas aussi éclatante qu’il y parait.

D’une part, le faible taux de participation de 59.9 % montre bien que les électeurs ne se sont pas mobilisés en masse pour voter. Cela a été beaucoup commenté, ce vote est surtout un vote contre les conservateurs, contre les mensonges et le manque d’honnêteté durant les années Johnson (2019-2022) mais aussi contre l’incompétence des 49 jours de Liz Truss au pouvoir (sept-oct 2022). En revanche, ce qui a été moins évoqué est le manque de confiance en la classe politique, qui touche aussi les travaillistes, et que la grande majorité obtenue les oblige. Leur comportement devra être exemplaire car à peine 33.7 % de la population a réellement voté pour eux. Commencer un mandat avec une telle majorité et une si faible part des voix ne sera pas sans conséquences sur les décisions difficiles à prendre et qui vont rapidement déplaire.

D’autre part, l’éclatement et l’éparpillement des votes en raison du mode de scrutin – uninominal à un tour – cache une réalité qu’il faudra affronter : le fait que Reform UK (le parti anti-immigration et anti politiques climatiques de Nigel Farage) a obtenu plus de 14.3 % de la part des voix dans le pays, récoltant seulement 5 sièges. Pour une fois dans leur histoire, le système a joué en faveur des Libéraux-Démocrates qui, avec plus de 12.2 % de la part des voix dans le pays, obtiennent 72 sièges (meilleur score depuis plus de 100 ans). Ils ont aussi su lier des alliances avec les travaillistes pour obtenir un nombre de sièges bien plus important qu’espéré. Quand les conservateurs, avec 23.7 %, obtiennent 121 sièges et les travaillistes, avec presque 33.7 %, obtiennent 412 sièges, le problème apparait plus clairement.

En vérité, Reform UK – mené par un Farage aux aguets qui saura profiter pleinement de son nouveau rôle en tant qu’élu – n’aura de cesse d’être un caillou acéré dans la chaussure de Starmer. Là encore, avec seulement 5 sièges, Reform UK n’aura que peu la parole à la Chambre des communes. Mais, pour ceux qui se souviennent de la façon dont Farage s’est servi de son rôle, en tant que député au parlement européen de 1999 à 2020, et de la façon dont il a su abuser de cette plateforme pour détruire le projet européen de l’intérieur et faire émerger l’idée du Brexit, il y a fort à parier que Farage fera de la réforme du système électoral son cheval de bataille, au même titre que la lutte contre l’immigration. Il trouvera des alliées (sans doute mal à l’aise et contrariés) du côté des Libéraux-Démocrates et des Verts (4 sièges pour 6.4 % de la part des voix) en faveur de cette première idée, et des conservateurs pour la seconde. Dans les deux cas, Farage et ses 5 acolytes n’auront également de cesse de diviser les conservateurs entre deux groupes : l’aile encore modérée et l’aile droite complaisante avec eux. Le tout en venant parler un langage populiste et souverainiste qui sera entendu par une frange de la population, délaissée de la gauche cosmopolitaine et libérale.

Starmer et les travaillistes, tout en ayant obtenu une indiscutable majorité, n’en sont pas moins au cœur d’une tempête économique et sociale, dont il faudra sortir pour éviter une « faragisation » du système politique britannique. Comment ? Les travaillistes ont moins de cinq ans pour trouver une solution sans quoi ils se retrouveront dans la même situation que la France aujourd’hui.

 

  1. Catherine Marshall est professeure en histoire et civilisation britannique, à CY Cergy Paris Université, et directrice du laboratoire AGORA (UR 7392) []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
hermes (29 juillet 2024). Élections législatives britanniques : une victoire travailliste superficielle au coeur de la tempête. Revue Hermès - Cognition - Communication - Politique. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/123tc


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