La Chine en 2023, convaincre de nouveau (1/3)

Crédit : Pexel/David Peterson
par Olivier Arifon1
Pour développer leur influence, de nombreux États ont aujourd’hui une communication orientée vers la promotion d’une image. Celle-ci articulée autour d’un récit supposé être attractif, s’exerce en direction de publics de différents pays.2
Théorisé par Joseph Nye en 1990, le soft power est la capacité de convaincre les acteurs d’un pays (citoyens ou personnel politique) d’adhérer à ses normes, valeurs et institutions, afin de façonner un comportement. Comme l’attraction et la persuasion sont construites socialement, le soft power prend la forme d’une danse qui nécessite des partenaires, soit des relations entre un pays émetteur et des publics récepteurs. Cette position permet de passer d’un concept (un peu hors sol) issu des relations internationales à des dimensions anthropologiques et psychologiques. Pourquoi et comment suis-je attiré par un artefact culturel ou par la culture d’un pays ?
Nombre de recherches sur le soft power mettent l’accent sur les artefacts culturels, comme la diffusion des médias télévisés, imprimés et numériques, ou les audiences pour les instituts culturels (apprenants), films (spectateurs) et événements (participants). Plus encore, ces artefacts sont pensés comme des flux, que ce soit de la consommation culturelle, de meilleures relations ou des résultats économiques. Une des questions devient : comment ces flux construisent-il un tout d’abord identifiable, ensuite cohérent ?
Thèmes différents, récit unique
Le récit chinois tente de convaincre de la supériorité de son modèle politique et culturel. À partir de cette assertion fondamentale, les sujets choisis par le PCC et structurés en une politique de communication en direction de l’Occident sont identifiés. Le PCC a choisi de lutter contre la démocratie constitutionnelle occidentale, les valeurs universelles des droits de l’homme, une société civile comme outil politique, le néolibéralisme ou encore l’idée occidentale du journalisme. Connaitre ces thèmes de luttes permet de mettre en contexte des actions et initiatives qui, prises séparément pourraient sembler être le fruit d’individus isolés ou d’un contexte particulier. Avec le PCC actuel, cette situation est impossible.
La « coopération » est une notion fondamentale dans le discours politique chinois. Son contenu est subtil : « Bâtir un nouveau type de relations internationales avec une coopération gagnant-gagnant » est au cœur des réflexions de Xi Jinping sur la diplomatie
Une séquence narrative comprend cinq composantes : situation initiale (orientation), complication (déclencheur), Re-actions, résolution (dénouement) et situation finale.
- La narration développée par la diplomatie publique incarnant le soft power chinois, repose sur la valeur et la force de la culture traditionnelle, fruit d’une histoire cinq fois millénaire, emprunte de sagesse et d’harmonie. C’est la situation initiale.
- Pour le pays, les freins liés à la diffusion de ces valeurs et à la réussite économique (train grande vitesse, spatial…) viennent de la période dite d’humiliation, lorsque les puissances étrangères participent au dépeçage de l’empire (1842-1949). C’est la complication.
- La réaction de la Chine s’étend de 1950 à aujourd’hui et, en y ajoutant les réussites économiques, le gouvernement chinois indique que cette période est en cours d’achèvement (réaction et résolution). La régénération est en cours (Cf. Great rejuvenation of the nation).
- Début de la situation finale où la Chine devient une puissance respectée et dont le modèle culturel, politique et économique devrait selon une logique déterministe, s’imposer à l’ordre international existant.
- Olivier Arifon enseigne à l’université Catholique de Lille. Ses vies de chercheur, de formateur et de diplomate l’ont conduit à nombreuses occasions en Asie, pour explorer la communication entre la Chine, le Japon, l’Inde et l’Europe. [↩]
- Ce billet est le premier billet d’une série de trois. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
hermes (12 mai 2023). La Chine en 2023, convaincre de nouveau (1/3). Revue Hermès - Cognition - Communication - Politique. Consulté le 21 juin 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/piju