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Le siècle de Jean Malaurie, ou savoir écouter jusqu’à l’impossible

Jean Malaurie souriant en 1996

Jean Malaurie en 1996, licence CC.

par Daniele Zappalà1

Que veut dire aujourd’hui servir la cause d’une communication globale ? C’est une question vaste et urgente à laquelle tout responsable politique devrait réfléchir davantage, d’autant plus avec le retour de la guerre en Europe…

Sur ce terrain, une piste humaniste intéressante nous vient de l’œuvre et du témoignage d’un savant français qui en décembre dernier a fêté ses 100 ans tout ronds, l’anthropogéographe et explorateur Jean Malaurie, dont la renommée n’est plus à faire. Des générations de lecteurs avides d’aventures et de nouveaux horizons ont savouré Les Derniers rois de Thulé (1955), l’ouvrage qui a inauguré la célèbre collection d’anthropologie narrative Terre humaine (chez Plon), créée puis longuement dirigée par Malaurie.

Que nous dit l’œuvre malaurienne sur l’art de bien communiquer ? Sans doute, qu’une voie possible pour rendre globale la communication demeure celle de savoir écouter jusqu’à l’impossible… Autrement dit, d’amener toujours notre capacité d’écoute jusqu’aux frontières les plus lointaines et reculées. Jusqu’aux périphéries les plus périphériques, pour ainsi dire, dans une sorte d’exploration permanente de ce qui reste à découvrir d’humain n’ayant pas encore été entendu.

En effet, l’attention pour la communication tend aujourd’hui à mettre en valeur la qualité de l’élocution et la capacité à bien argumenter, comme le prouve par exemple le retour et l’importance croissante de l’éloquence dans bon nombre d’institutions éducatives. Quant à l’art de fermer sa bouche et de bien ouvrir ses oreilles, on a tendance à le cultiver rarement en dehors des salles de concert. Le plus souvent, la capacité d’écouter l’autre, surtout quand il est faible et lointain, n’est vraiment pas le fort de notre époque…

C’est pourquoi une leçon d’autant plus précieuse se dégage du parcours centenaire extraordinaire et fascinant de Malaurie. De sa volonté coriace de donner la parole aux sans-voix de Thulé et en général aux Inuits des déserts arctiques. De ses nombreux enregistrements patients de phrasées et de chants du monde hyperboréal. De sa promotion permanente d’une empathie envers tout humain demeurant aux marges des routes de communication les plus empruntées à notre époque.

  1. Daniele Zappalà est géographe et journaliste. Ses recherches portent sur la cognition de la mondialisation et sur les patrimoines alimentaires internationaux. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
hermes (20 février 2023). Le siècle de Jean Malaurie, ou savoir écouter jusqu’à l’impossible. Revue Hermès - Cognition - Communication - Politique. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/pijq


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