Les médias sociaux : une aubaine pour les nouveaux députés libanais ?

Logos des principaux médias et réseaux sociaux. Crédit : Domaine public/CC0 1.0
par Rola Zoubian
Le rôle des médias sociaux en communication politique attire l’attention de beaucoup de chercheurs. Dans cette optique, les élections législatives libanaises du 15 mai 2022 constituent un modèle porteur de nombreuses interrogations.
Face à la crise politique, socio-économique et sanitaire qui frappe le Liban et à l’effondrement total dans tous les secteurs, ces élections ont été marquées par la percée de treize candidats issus de la révolution du 17 octobre 2019, ou « thawra », en opposition aux candidats des partis politiques traditionnels contrôlant le pays depuis plus de trente ans.
Les voix des Libanais retentissaient depuis le déclenchement de la contestation. Des voix appelant au changement et au basculement du pouvoir politique ancien, en vue de l’émergence d’une nouvelle classe capable de répondre au besoin de réformes urgentes et aux aspirations des Libanais.
Des députés comme Marc Daou, Najat Aoun Saliba, et Halima Kaakour, Firas Hamdan, Ibrahim Mneimneh et Wadah Sadek se sont tous montrés très actifs sur les réseaux sociaux. Il s’agit de candidats profitant des multiples vertus offertes par l’usage des médias sociaux pour gérer leurs campagnes électorales, accroître leur visibilité et nouer une relation de confiance avec le peuple libanais, longtemps trompé par des promesses non tenues. Cette personnalisation des relations entre l’élu et l’électeur, la suppression des barrières et la communication directe et immédiate sont au cœur de la vague du changement et de la reconfiguration du concept de travail politique au Liban.
L’interactivité rapide des médias sociaux favorise l’engagement politique des électeurs et leur participation aux débats. Ces derniers se transforment eux-mêmes en acteurs de la campagne électorale capables de partager leurs points de vue et d’échanger en direct. À titre d’illustration, les députés Mark Daou, Firas Hamdan et Waddah Sadek ont organisé des rencontres via Zoom pour discuter de nombreux sujets et des stratégies de réforme avec les électeurs, en grande partie avec les immigrants libanais attendus en grand nombre aux urnes. Sur les médias sociaux, les députés discutent avec les internautes des questions critiques et polémiques, comme la crise économique et la responsabilité des banques. Cette interactivité offerte par les médias sociaux montre que les élus sont la voix du peuple au parlement, portant les revendications des gens et les défendant.
Notons le choix stratégique de certains nouveaux élus diffusant quotidiennement ou presque sur les médias sociaux. Cela renforce l’interactivité, par l’augmentation du nombre de followers, surtout grâce à la fonctionnalité Share permettant de toucher un public plus large. Dans cette perspective aussi, de nombreuses pages ont vu le jour sur Facebook et Instagram depuis le démarrage de la révolution et sont devenues actives durant la période électorale pour supporter les candidats du changement, partager leurs idées, leur fournir le support dont ils ont besoin, promouvoir leur réputation auprès des Libanais. Les candidats comptent sur l’influence de ces pages également pour partager du contenu et encourager les électeurs à voter.
Les nouveaux élus ont utilisé les médias sociaux pour se présenter auprès des Libanais d’une manière transparente, authentique, crédible et claire. Citons, à titre d’exemple, l’usage de ces plateformes pour renseigner les citoyens immédiatement sur tout ce qui se passe pendant les réunions parlementaires, ce qui prouve la crédibilité et la transparence des députés, ainsi que leur volonté de défendre les droits des citoyens, les dépôts bancaires, la justice pour les victimes de l’explosion du port de Beyrouth, ou d’autres causes.
Pendant la campagne électorale, les députés ont eu aussi l’opportunité de protéger leur réputation, de démentir les rumeurs, de faire face aux discours de haine des adversaires, de signaler la présence de fraudes lors de l’annonce des résultats, et même de publier des messages de sympathie sur des évènements nationaux et internationaux.
Les médias sociaux ont ainsi joué un rôle sans doute crucial tout au long des élections législatives libanaises et dans la période post-électorale. Il est indéniable que le recours à ces nouveaux supports numériques a eu et aura un impact considérable sur la communication politique au Liban, mais aussi sur la reconfiguration du travail politique et démocratique, en vue également des élections futures.